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Sommet de Dar es-Salaam sur l’électrification de l’Afrique : La Banque mondiale et la BAD en première ligne

✍Par Jos Blaise Mbanga Kack

La Banque mondiale et la BAD se donnent la main pour l'électrification de l'Afrique_www.mag-impactbusiness.com

Ce 28 janvier 2025, plusieurs chefs d’État africains se réuniront à Dar es-Salaam, en Tanzanie, pour la facilitation de la « mission 300 » conçue par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. Cette initiative des deux institutions financières vise un accès à l’électricité pour 300 millions de personnes en Afrique subsaharienne d’ici 2030. 

La grand-messe de ce 28 janvier 2025, à laquelle sont conviés plusieurs chefs d’État africains, dont une demi-douzaine prendra la parole, sera l’occasion pour le grand attelage Banque Mondiale – Banque Africaine de Développement d’exposer les contours de leur ambitieuse « Mission 300 ». Ce sera l’occasion pour elles de susciter des engagements fermes de la part des dirigeants africains en vue de l’atteinte des objectifs de l’initiative.

Au vu de la mobilisation des uns et des autres, tout porte à croire que cet événement est digne d’intérêt pour tous. D’après un conseiller de la Banque mondiale qui a requis l’anonymat, plusieurs chefs d’État et des personnalités ont déjà confirmé leur présence à Dar es-Salaam. Ce rendez-vous en Tanzanie se profile comme la plus grande rencontre tripartite jamais organisée sur le continent. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement seront représentées au plus haut sommet de leur hiérarchie. L’Afrique sera présente avec la quasi-totalité des chefs d’État et des représentants des grandes institutions. En somme, il s’agira d’un événement inédit dans l’histoire de l’industrialisation de l’Afrique grâce à l’énergie électrique, ajoute ce conseiller.

Ce n’est un secret pour personne que l’Afrique souffre d’un grand déficit énergétique. Selon des chiffres fournis par la Banque mondiale, 600 millions de personnes sur le continent n’ont pas accès à l’électricité. Pourtant, celle-ci est indispensable à l’activité économique, à la création d’emplois et à la connectivité, et favorise de meilleurs services de santé et d’éducation. In fine, la disponibilité de l’énergie est une des conditions essentielles pour le développement du continent africain. C’est d’ailleurs ce que pensait l’ancien président de la Banque africaine de développement, le Rwandais Donald Kaberuka. On a encore en mémoire sa pensée qui disait que le développement de l’Afrique passerait par le développement des infrastructures, dont, entre autres, l’électrification occupe une place de choix.

Des bonnes volontés mises en échec 

Comment ne pas rappeler que la résorption de cet épineux problème d’énergie a été l’objet de quelques initiatives qui ont fait long feu. On peut citer l’initiative prise par le Français Jean-Louis Borloo. L’ancien ministre d’État, ministre de l’Écologie sous Nicolas Sarkozy, arborant sa casquette de super-lobbyiste de l’électrification de l’Afrique, s’exprimait en ces termes : « J’ai réuni les conditions pour faire passer le taux d’électrification du continent de 30 % à 80 % d’ici à 2025. » Vaste programme ! Sauf que le tour des palais présidentiels africains qu’il a effectué pour vendre son « plan Marshall » n’a abouti à rien de concret, si ce n’est de susciter de l’agacement ou de l’indifférence. « On le soutient sans trop y croire », soupirait un ministre de l’Afrique centrale. C’est ainsi que, deux ans après son lancement, l’initiative de Borloo tomba dans les oubliettes.

Adesina Akinwumi, président de la Banque Africaine de Développement (BAD)
Adesina Akinwumi, président de la Banque Africaine de Développement (BAD)

Avant lui, James Wolfensohn, ancien président de la Banque mondiale, avait à cœur de donner un coup d’accélérateur aux projets africains. Il mit sur pied un plan d’actions détaillé, comme le raconte Eric Chinje, ancien directeur de la communication de la Banque africaine de développement et du département Afrique de la Banque mondiale. « Pour booster le développement de l’Afrique, le président James Wolfensohn avait pris langue avec le président sénégalais de l’époque, Abdou Diouf, afin qu’il sensibilise ses pairs francophones à l’idée de trouver les voies et moyens pour sortir l’Afrique de l’impasse », décrit-il. Et de poursuivre que les mêmes éléments de langage avaient été présentés au président Yoweri Museveni pour qu’il les communique à ses pairs anglophones. Une délégation de la Banque mondiale avait même été missionnée pour sillonner le continent afin d’expliquer aux dirigeants que ce projet serait très bénéfique au continent africain. Malheureusement, ce fut un échec, se souvient Eric Chinje avec beaucoup de désolation. 

L’ancien directeur de la communication, loin de se décourager, espère qu’avec la « Mission 300 », cette fois sera la bonne. Selon lui, l’engagement pris en avril 2024 par les deux patrons de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement est le signe que Messieurs Ajay Banga et Akinwumi Adesina ont pris le taureau par les cornes et l’on peut affirmer sans risque de se tromper que toutes les conditions sont réunies pour le succès de la « Mission 300 ».

Fournir une énergie propre pour éradiquer la pauvreté

L’accès à l’électricité est vital pour les populations africaines. Sans énergie, le continent ne pourra jamais se développer. C’est pourquoi la Banque mondiale, en partenariat avec la Banque africaine de développement, a conçu un plan de sauvetage pour alimenter l’Afrique en électricité et libérer tout son potentiel. Ce plan, baptisé « Mission 300 », a pour ambition de transformer les vies et les économies à travers l’Afrique, tant il est vrai qu’une plus grande innovation et une croissance robuste sont nécessaires pour un avenir plus équitable, prospère et compétitif.

Selon la Banque mondiale, ce défi audacieux, pour lequel elle mène une grande campagne de communication sur sa plate-forme, représente pour l’Afrique une grande opportunité de changements et d’amélioration de l’accès au réseau, ce qui nécessitera des milliards de dollars et repose sur cinq axes :

1. La nécessité d’accélérer l’accès à une énergie moderne : Le déficit d’énergie abordable, fiable et durable freine l’élan des individus et des entreprises. Pour y remédier, le rythme de l’électrification doit être multiplié par trois. La disponibilité de l’énergie améliorerait les services d’urgence essentiels tels que les hôpitaux et les abris.

2. Une dynamique déjà en marche : La clé de répartition est connue. Le groupe de la Banque mondiale s’est engagé à raccorder 250 millions de personnes à l’électricité, tandis que la BAD en fera de même pour 50 millions de personnes. Les investissements du Groupe de la Banque mondiale donnent déjà l’impulsion nécessaire pour atteindre l’objectif de la Mission 300. En Afrique de l’Est et australe, le programme ASCENT vise à connecter 100 millions de personnes dans 20 pays. Il est déjà opérationnel au Burundi, au Rwanda et à Sao Tomé-et-Principe. Les populations d’autres pays sont impatientes de se joindre à cette vague. En Afrique de l’Ouest et centrale, le projet DARES, centré sur le développement des systèmes décentralisés d’énergie renouvelable, bénéficiera à 17,5 millions de Nigérians, soit 20 % de la population actuellement non desservie du pays. Enfin, le projet RESPITE vise à améliorer l’accès à l’électricité au Liberia, en Sierra Leone, au Tchad et au Togo. Ses objectifs incluent le renforcement des capacités de production d’énergies renouvelables, l’amélioration des interconnexions et le développement du transport d’électricité dans la région.

3. Le rôle primordial du secteur privé : L’investissement du secteur privé est crucial pour atteindre les objectifs de la Mission 300. Les entreprises doivent s’engager et augmenter leurs investissements dans le transport, la distribution et le commerce transfrontalier de l’énergie. La Société financière internationale et l’Agence multilatérale des garanties des investissements travaillent à leur offrir de meilleures incitations et garanties.

4. Le partenariat comme clé du succès : En plus de son partenariat avec la BAD, la Banque mondiale s’appuie sur plusieurs partenaires stratégiques. Par exemple, le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), qui regroupe 21 États, contribue à créer une plate-forme régionale apportant divers avantages tels que le renforcement des capacités et l’assistance technique.

5. L’engagement des organisations philanthropiques : Des partenaires tels que la Fondation Rockefeller, l’Alliance mondiale pour l’énergie au service des populations et de la planète, ainsi que l’initiative « Énergie durable pour tous » des Nations Unies mobilisent des fonds publics et privés pour accroître et compléter les ressources du Groupe de la Banque mondiale et de la BAD.

Ajay Banga, président de la Banque mondiale
Ajay Banga, président de la Banque mondiale

Il n’est pas superflu de mentionner l’offre de service faite par les autorités congolaises en octobre 2024 lors des réunions annuelles de la Banque mondiale tenues à Washington. Le ministre congolais des Ressources hydrauliques et de l’Électricité a plaidé pour une levée de fonds à hauteur de 10 milliards de dollars américains pour le développement du projet ambitieux de construction du barrage d’Inga. « La construction du barrage d’Inga permettra de générer une énergie décarbonée, capable d’alimenter plus de 80 millions de citoyens », pouvait-on lire dans le communiqué du ministère. Pour le ministre, ce projet représente pour les pays d’Afrique une réponse clé au programme « Mission 300 ». En somme, un partenariat gagnant-gagnant.

Il s’agit d’un plan très ambitieux et explicite, bien ficelé, qui, à coup sûr, va libérer tout le potentiel de l’Afrique et lui permettre d’accéder à une énergie abordable, fiable, durable et moderne d’ici 2030.

Le marché de l’énergie avant le sommet

En guise de mise en bouche avant le sommet de ce 25 janvier, la capitale tanzanienne a accueilli la 9e édition du marché africain de l’énergie les 16 et 17 octobre 2024. Organisée conjointement par la Banque africaine de développement et le ministère tanzanien de l’Énergie, cette édition avait pour thème : « Mettre en œuvre l’initiative pour la cuisson propre et les objectifs nationaux d’accès à l’énergie ». Le vice-Premier ministre et ministre de l’Énergie, qui présidait l’événement, n’a pas manqué de souligner que « L’organisation du 9e marché africain de l’énergie arrive à point nommé, alors que nous préparons le sommet des chefs d’État africains. Ce sommet vise à réunir les présidents africains, le secteur privé et les partenaires au développement pour faciliter les investissements permettant de fournir un accès à l’électricité à 300 millions de personnes en Afrique ».

Il a déclaré qu’il espérait que les discussions du marché de l’énergie influenceraient les sessions exécutives du futur sommet de janvier 2025. Tout est donc prêt pour que l’accès à l’électricité devienne une réalité, afin de bâtir un avenir meilleur pour chacun.