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RSE en Afrique : Un investissement stratégique loin de la philanthropie

➤ Par Kevin da SILVA

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en Afrique subsaharienne évolue d’une approche philanthropique vers un levier stratégique pour le développement économique et social. Arlande Aroukoum et Julie Biron, entrepreneures engagées et cofondatrices du Think Tank RSE et de Wafhi.com, partagent leur vision et leur expérience de l’état de la RSE en Afrique, des défis rencontrés et des opportunités à saisir.

Arlande Aroukoum et Julie Biron sont deux entrepreneures dont le parcours, riche en initiatives et collaborations, illustre comment la RSE peut transformer les entreprises et les communautés locales, tout en répondant aux enjeux environnementaux et sociaux du continent. Jeune diplômée d’un master en Économie du Développement Durable, spécialisée dans le management responsable et l’impact, Julie Biron a cofondé avec son amie Arlande Aroukoum, multi-entrepreneure engagée, communicante stratégique et militante écologique, le Think Tank RSE et Wafhi.com, dédiés à l’accompagnement des entreprises africaines dans leur démarche de responsabilité sociétale. « Je suis convaincue que la RSE est un levier stratégique pour la transformation économique et sociale du continent », déclare Julie Biron. Pour elle, la RSE en Afrique subsaharienne évolue rapidement, « mais elle reste encore largement perçue sous un prisme philanthropique ». À la différence des pays occidentaux où elle est encadrée par des réglementations strictes, en Afrique, elle repose encore sur l’initiative des entreprises et se confond avec la satisfaction des attentes des communautés locales. « L’Afrique subsaharienne présente un paradoxe intéressant. D’un côté, il existe un vif intérêt pour la RSE, mais de l’autre, elle n’est pas encore abordée avec l’ambition nécessaire », souligne Arlande Aroukoum. Elle ajoute : « La RSE a le potentiel de devenir un levier d’innovation et de transformation pour l’Afrique, en valorisant les spécificités locales comme des atouts. » Selon les deux entrepreneures, dans cette confusion, de nombreuses ressources sont gaspillées et des opportunités stratégiques complètement manquées. Toutefois, tout n’est pas perdu. Mieux encore, une dynamique intéressante se structure progressivement, notamment avec l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et l’intérêt croissant pour la finance durable. En effet, soumises aux réglementations et aux pressions environnementales et sociales, de plus en plus d’entreprises, notamment dans les industries extractives comme le pétrole, le gaz et les mines, s’engagent dans un processus RSE. « Les secteurs de l’agro-industrie et de l’hôtellerie sont également en mouvement, notamment sous la pression des consommateurs et des marchés internationaux. Les banques et institutions financières conditionnent désormais certains financements à des critères ESG », confie Julie Biron, satisfaite de cet engagement naissant.

De nombreux avantages pour les populations

Pour Arlande et Julie, la pratique de la RSE a un impact direct et mesurable sur les populations. « Par exemple, les entreprises qui investissent dans des programmes de formation et d’employabilité contribuent à la montée en compétences des jeunes », explique Julie, qui poursuit : « Certaines entreprises agricoles adoptent des pratiques plus respectueuses des sols et des ressources en eau, ce qui bénéficie autant à leur production qu’aux communautés environnantes. » Pour Arlande, une approche bien pensée de la RSE pourrait contribuer à sécuriser le secteur informel, tout en préservant l’agilité et l’ingéniosité qui en font la force. Elle pourrait également offrir des voies d’autonomisation et d’émancipation dignes pour les femmes et les jeunes générations, tout en jouant un rôle central dans la régénération des écosystèmes naturels. Une certitude : les entreprises africaines n’ont plus le choix. Elles doivent adopter des pratiques RSE si elles veulent se maintenir durablement. « Les parties prenantes et les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés, témoignant d’un engouement croissant sur la question », martèle Arlande. Toutefois, « le sont-ils suffisamment pour influencer les cadres réglementaires, les politiques publiques, ainsi que les décisions d’achat des consommateurs », s’interroge-t-elle. Pour son associée, l’essor de la classe moyenne africaine et l’accès facilité à l’information via les réseaux sociaux ont profondément changé la donne. Les consommateurs sont plus attentifs aux engagements des marques, surtout en matière de respect des travailleurs et d’impact environnemental.

Les défis sur le continent africain

« Un des obstacles majeurs est la perception de la RSE comme un coût supplémentaire plutôt qu’un investissement stratégique », indique Julie qui pointe également du doigt le manque de cadre réglementaire clair et une difficulté à adapter les référentiels RSE occidentaux aux réalités locales. Mais, ce n’est pas tout. En plus de ces défis, Arlande ajoute le manque de ressources et de connaissances endogènes sur la question, un déficit de formation des équipes, et une difficulté à recruter des responsables RSE qualifiés sur le marché du travail en Afrique. Pour corriger le tir, les leviers sont à actionner à deux niveaux : celui institutionnel et dans les entreprises. Arlande et Julie avancent la nécessité d’adapter les standards internationaux aux réalités africaines. Pour elles, les gouvernements doivent structurer un cadre réglementaire clair qui encourage et récompense les entreprises responsables. Quant aux ONG et organisations internationales, elles ont un rôle clé en investissant dans la sensibilisation, la formation et le financement. Les institutions financières peuvent accélérer la transition en conditionnant leurs investissements et crédits à des critères ESG. Par ailleurs, les entreprises doivent se poser les bonnes questions et mobiliser leur équipe dirigeante autour de cette première étape de réflexion. Une démarche RSE véritablement ambitieuse repose sur un processus d’amélioration continue, profondément ancré dans le cœur de métier de l’entreprise. « Je leur recommande de commencer par un diagnostic pour comprendre où elles en sont et quels sont leurs enjeux prioritaires. Elles doivent travailler en co-construction avec leurs parties prenantes et adopter une démarche progressive et pragmatique », précise Julie Biron. À défaut de pouvoir s’y prendre toute seule, Arlande Aroukoum leur demande de recourir aux services de structures expertes du domaine. « Elles peuvent également demander notre Work Book et candidater pour rejoindre le Club des dirigeants by Wafhi, qui démarrera en Avril 2025 », recommande-t-elle. Elle explique qu’il s’agit d’une opportunité unique pour les dirigeants de se former et d’échanger sur les meilleures pratiques en matière de RSE. Résultat de plus de 25 années d’expérience cumulées, dont plus de 10 ans d’accompagnement des entreprises et organisations en Afrique, le Work Book « est un guide accessible et opérationnel, qui rassemble tout ce qu’il faut savoir pour comprendre et appliquer la RSE dans un contexte africain. Il s’adresse aux entrepreneurs, dirigeants de PME, responsables RSE, consultants, investisseurs, étudiants et chercheurs », expliquent-elles, soulignant qu’il incarne leur ambition commune pour une transition écologique africaine ambitieuse et exigeante.