Côte d’Ivoire : La diversité ethnique, moteur de l’économie de Bouaké
✍️Par Mahugnon SINGBO

Bouaké, deuxième plus grande ville de Côte d’Ivoire, se distingue par son caractère cosmopolite et sa capacité à tirer parti de sa diversité ethnique pour dynamiser son économie. Pour Lekoué Traoré, chef de la communauté Sénoufo et porte-parole de l’Union des Chefs des Communautés Résidant à Bouaké, cette diversité est un véritable moteur économique.
Durement touchée par la crise post-électorale de 2010, Bouaké a connu une transformation spectaculaire grâce à l’apport des communautés étrangères. Ces dernières, fortement impliquées dans le secteur tertiaire, sont devenues des piliers de l’économie locale. « Les Maliens, les Libanais, les Mauritaniens sont les plus grands commerçants », explique Lekoué Traoré. C’est donc dans leurs magasins que les habitants de Bouaké s’approvisionnent sans faire preuve d’aucune distinction. « Personne ne dit : « Celui-là est un étranger, alors on n’achète pas chez lui ». »
Outre l’hôtellerie, le commerce et la restauration, qui sont les secteurs dans lesquels de nombreux étrangers exercent, d’autres activités comme la quincaillerie et l’importation de matériaux de construction attirent les investissements étrangers. « Les gens de la CEDEAO investissent également dans la quincaillerie. Pour nous procurer du ciment, c’est chez les Béninois, les Maliens, les Burkinabè, les Ghanéens que nous allons tous acheter les matériaux de construction », détaille Lekoué Traoré.
Si le secteur tertiaire reste le domaine de prédilection des communautés étrangères, d’autres secteurs comme l’agriculture ou la transformation leur offrent aussi des opportunités. « Le secteur agricole est beaucoup plus celui des Ivoiriens », note M. Traoré. Cependant, dans l’importation du riz, les étrangers jouent un rôle clé. « On voit rarement des Ivoiriens dans ce secteur », précise-t-il.
Dans la transformation, leur présence est également significative. « Les moulins et la cordonnerie, ce sont les étrangers qui s’en occupent. Toutes ces activités sont menées de concert avec les autres. Même les impôts sont répartis de façon équitable. Tout le monde est logé à la même enseigne », souligne-t-il.
Les femmes, quant à elles, participent activement à l’économie locale. Dans les marchés, elles mènent leurs activités en toute tranquillité, profitant d’un climat de tolérance et de respect mutuel. « La diversité, ethnique et raciale, est un facteur de développement et de cohésion sociale », affirme M. Traoré.
Au-delà de l’économie
Pour le porte-parole et enseignant à la retraite, l’apport des étrangers va bien au-delà de la simple activité économique. En plus de leur contribution directe à l’économie, les investissements des étrangers génèrent des emplois pour la population locale. « Celui qui a un magasin va certainement embaucher des jeunes pour travailler », observe M. Traoré. Cette dynamique réduit le chômage, lutte contre l’oisiveté et freine la montée du grand banditisme.
Il s’agit aussi d’un transfert d’expériences et de compétences. « Sans les autres, nous ne pouvons pas nous développer, sans les autres, nous ne pouvons pas nous affirmer économiquement, sans les autres, nous ne pouvons pas profiter de leur expérience », martèle-t-il.
La diversité de Bouaké est aussi un modèle de coexistence pacifique. Cette harmonie repose sur des initiatives structurées qui encouragent le dialogue et l’inclusion. « Pour une cohabitation pacifique, toutes les ethnies ivoiriennes sont au sein de l’Union des Chefs de Communautés », souligne M. Traoré.
Dans le cadre de ce besoin de vivre en harmonie, les ressortissants des autres pays de la CEDEAO représentés à Bouaké ont créé une Union qui favorise les échanges entre leurs membres. Par ailleurs, les guides religieux, chrétiens comme musulmans, collaborent également dans un forum interreligieux pour promouvoir la paix. « Toutes ces entités travaillent de concert avec l’administration centrale, la police, la gendarmerie, et ce pour une cohabitation pacifique », ajoute-t-il.
En permettant à tous de s’impliquer dans la vie économique, la ville de Bouaké donne à chaque habitant, Ivoirien comme étranger, sa chance de prospérer. « Chacun est libre de créer son activité. L’essentiel est que ça profite à tout le monde », conclut Lekoué Traoré sur une note optimiste.