SFA 2025 à Dakar : Le financement structuré dans tous ses éclats

L’Afrique est à la recherche de solutions de financement innovantes pour combler son déficit d’infrastructures et offrir une alternative aux mécanismes classiques, dont les limites apparaissent de plus en plus évidentes. Inventer de nouvelles approches s’impose. Au cœur du premier Forum Structured Finance Africa (SFA) 2025, tenu le jeudi 25 septembre à Dakar, le financement structuré a été mis en avant comme levier central, avec des pistes telles que la titrisation, les financements à impact, les produits de la finance islamique ou encore la finance durable.
Par Bacary DABO
Les acteurs de la haute finance africaine ont réaffirmé leur responsabilité : développer de nouvelles approches de financement. Ils l’ont exprimé lors de ce premier forum organisé dans un contexte où l’Afrique fait face à une équation complexe : un déficit annuel d’infrastructures estimé entre 130 et 170 milliards de dollars.
À cela s’ajoutent plus de 2 800 milliards de dollars nécessaires d’ici 2030 pour l’adaptation au changement climatique et environ 4 000 milliards de dollars par an pour atteindre les Objectifs de développement durable, selon la Banque africaine de développement (BAD).
Face à ce tableau, la transition du financement budgétaire traditionnel vers des mécanismes orientés projets, intégrant notamment les marchés financiers, apparaît incontournable. Le financement structuré est désormais présenté comme une alternative crédible. Outil innovant, il permet, selon Isaac Mbaye, directeur général d’Invictus Capital & Finance, « de mutualiser les risques, d’allonger les maturités, de mobiliser le capital privé et de créer des instruments sur mesure ». Et de conclure : « Il constitue une voie crédible et incontournable pour bâtir une architecture financière africaine plus robuste. »
L’exemple récent d’une transaction combinant titrisation et financement à impact en est l’illustration. En juillet 2025, une émission de 156 millions de dollars US – soit près de 90 milliards de F CFA – a été réalisée avec succès au Kenya, sous forme de titrisation de créances futures exclusivement, avec une forte dimension ESG.
Pour M. Mbaye, ce type d’opération démontre que l’Afrique peut innover et attirer des investisseurs de premier plan, locaux comme internationaux. « Ces succès isolés doivent désormais devenir des standards. C’est précisément l’ambition de ce Forum : passer du potentiel à la mise à l’échelle », a-t-il insisté.
Cette rencontre de Dakar se veut ainsi une plateforme d’alliances concrètes : « Car aucun acteur, qu’il soit public, privé ou multilatéral, ne peut, seul, relever les défis auxquels l’Afrique est confrontée. »
Dans un ton optimiste, Badam Patoki, président de l’Autorité des marchés financiers de l’Union monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMF-UMOA), souligne les atouts dont dispose le continent : une épargne locale croissante, une diaspora engagée dans le développement et une capacité appréciable de financement portée par les investisseurs institutionnels.
L’Africa Finance Corporation (AFC) estime que l’Afrique détient quelque 4 000 milliards de dollars dans des institutions domestiques telles que les fonds de pension et les fonds souverains. À cela s’ajoute une jeunesse entreprenante, créatrice de nouveaux modèles économiques, ainsi que des instruments financiers éprouvés comme la titrisation, la finance islamique et la finance durable.
Définir un cadre clair et capitaliser sur les expériences
Le ministre sénégalais des Finances et du Budget, Cheikh Diba, est convaincu que les financements structurés constituent désormais un levier incontournable. Pour lui, ces instruments ne sont pas de simples montages sophistiqués, mais de véritables outils de partenariat public-privé, au service d’objectifs communs. Il les décrit comme « un catalyseur d’innovation », combinant partenariats public-privé, financements de projets, titrisation et obligations durables.
Il estime par ailleurs que les financements structurés peuvent devenir un accélérateur de croissance inclusive, en soutenant des projets à fort impact social et environnemental dans des secteurs comme les infrastructures, l’énergie, l’agriculture ou le numérique. D’où la nécessité, selon lui, de définir un cadre clair et de capitaliser sur les expériences locales : « Constituer un socle commun de bonnes pratiques nous permettra de gagner du temps dans la conception et la mise en œuvre. »

Pour concrétiser ces ambitions, M. Patoki appelle à accélérer la standardisation des produits de titrisation et de finance durable, à renforcer la profondeur du marché secondaire, et à développer des instruments de long terme comme les fonds d’infrastructures ou les fonds d’investissement alternatifs. Il plaide aussi pour une régulation plus agile et mieux adaptée à l’innovation, tout en protégeant les investisseurs.
Oulimata Ndiaye Diassé, directrice d’Umoa-Titres, défend ce modèle en soulignant ses atouts : amélioration du rendement, mutualisation des risques et meilleure orientation des ressources, notamment celles des États souverains, vers des projets plus rentables, avec un double bénéfice économique et social.
À ses yeux, « c’est ainsi, et seulement ainsi, que l’Afrique pourra attirer et mobiliser des ressources diversifiées, en conciliant l’intérêt des investisseurs en quête de rendement avec le besoin de financer des projets porteurs de transformations réelles ».