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Taux directeur de la BCEAO : Une stabilité rassurante, mais insuffisante pour les investisseurs

Par Boubacar GASSAMA

Le Comité de politique monétaire de la BCEAO a décidé de maintenir les taux directeurs à leur niveau en vigueur depuis le 16 décembre 2023. Une décision qui reflète une volonté de stabilité, non sans susciter quelques grincements de dents du côté des investisseurs.

Lors de sa dernière réunion, tenue le 4 décembre 2024 à Dakar, le Comité a confirmé que le taux minimum de soumission aux appels d’offres d’injection de liquidité reste fixé à 3,50 %, et que le taux du guichet de prêt marginal demeure à 5,50 %. Le coefficient de réserves obligatoires applicable aux banques de l’Union reste également inchangé à 3,0 %, un niveau en vigueur depuis le 16 mars 2017.

Cette annonce, très attendue par les investisseurs actifs dans la zone UEMOA, traduit la constance de la politique monétaire de la BCEAO. Toutefois, elle est diversement accueillie par les acteurs du secteur privé des pays de la sous-région. Les chefs d’entreprise dénoncent toujours le coût élevé de l’argent pratiqué par les banques commerciales de la région. Selon eux, les taux d’intérêt exigés ne favorisent pas le réinvestissement nécessaire à la croissance de leurs affaires. Cette situation alimente de nombreux griefs, car, à terme, elle contribue à rendre le climat des affaires peu favorable.

L’économiste Maïssa Babou explique ce mécontentement par le fait que les banques commerciales appliquent une majoration significative sur le taux directeur. Dans la sous-région, précise-t-il, ces taux peuvent osciller entre 8 % et 12 %, un écart qu’il qualifie d’excessif. La situation est encore plus problématique dans le cas des institutions de microfinance, où les taux atteignent des niveaux quasi usuriers, parfois jusqu’à 22 %.

Selon lui, l’accès au crédit auprès des banques commerciales reste très coûteux, notamment pour un entrepreneur souhaitant investir au-delà de 100 millions de francs CFA et nécessitant un financement supérieur à 200 millions.

Les Banques centrales, rappelle-t-il, adoptent une politique monétaire basée sur le levier des taux pour influer sur l’économie. En général, une hausse des taux directeurs vise à contenir l’inflation, rendant ainsi l’argent plus cher et moins accessible. « Les entreprises comme les ménages ne prennent plus de crédit. Ce qui baisse naturellement la demande de consommation mais aussi freine les investissements des entreprises. »

M. Babou estime que chaque augmentation du taux directeur, en réponse à l’inflation, a des répercussions désastreuses sur l’activité économique. En revanche, si l’inflation diminue, la Banque centrale peut décider de baisser les taux directeurs pour encourager la reprise économique, notamment par le biais des crédits à la consommation et des investissements.

Lors de sa dernière réunion, la BCEAO a reconnu que les conditions monétaires et financières s’étaient légèrement durcies au cours du troisième trimestre 2024. Le taux d’intérêt moyen pondéré sur le marché interbancaire, toutes maturités confondues, s’est établi à 6,08 %, contre 6,01 % au trimestre précédent. De même, le taux débiteur moyen des banques, hors taxes et charges, a atteint 7,07 % au troisième trimestre 2024, en hausse de 4 points de base par rapport au trimestre précédent.

Dans cette même dynamique, l’encours des crédits à l’économie a enregistré une hausse notable en rythme annuel de 4,1 % à fin septembre 2024. En revanche, les avoirs extérieurs nets de l’Union se sont contractés sur un an. Ces évolutions ont conduit à une croissance en glissement annuel de la masse monétaire de 3,8 % à fin septembre 2024, contre 3,2 % à fin juin 2024.

Dans l’attente d’une intervention plus vigoureuse de la BCEAO pour changer la donne et rendre le coût de l’argent plus compétitif dans les banques commerciales, le Comité de politique monétaire a noté que l’inflation s’est établie à 4,1 % au troisième trimestre 2024. Une évolution que l’institution attribue essentiellement à l’accélération des prix des produits alimentaires, due à la faiblesse de l’offre elle-même causée par une campagne agricole 2023/2024 moins favorable et par des difficultés d’approvisionnement des marchés en lien avec la situation sécuritaire.

Les dernières prévisions de la Banque indiquent que l’inflation devrait s’établir à 3,6 % en 2024, après 3,7 % en 2023. En 2025, elle devrait encore se maintenir au-dessus de la cible pendant une partie de l’année, avec un risque de hausse supplémentaire. Selon la Banque, ces risques concernent la persistance de la situation sécuritaire dans certains pays, l’impact des conditions climatiques défavorables sur la production agricole, les effets des tensions géopolitiques et commerciales sur les prix mondiaux des produits énergétiques et alimentaires.