Sénégal : L’OQSF outille les journalistes économiques sur la finance islamique

L’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) a organisé, ce mercredi, un atelier de formation et de sensibilisation à l’intention des membres du Collectif des journalistes économiques du Sénégal (Cojes), consacré à la finance islamique. L’initiative vise à renforcer les capacités des professionnels des médias afin de favoriser une meilleure compréhension et une diffusion plus rigoureuse des principes et instruments de ce segment financier en plein essor.
Par Bacary DABO
Le secrétaire exécutif de l’OQSF, Papa Amadou Diagne, a souligné lors de la cérémonie d’ouverture « l’importance de cet atelier dans la vulgarisation d’un modèle fondé sur la responsabilité, la transparence et la solidarité, en phase avec les défis socio-économiques actuels ».
Créé par décret en 2009, l’OQSF est le premier observatoire du genre dans l’espace UEMOA. Il œuvre à l’amélioration continue des relations entre usagers et opérateurs financiers, à la promotion de la qualité des services ainsi qu’à l’éducation financière, considérée comme un levier essentiel d’inclusion et de protection des citoyens.
Selon M. Diagne, la finance islamique représente « un levier d’inclusion financière et sociale » pour le Sénégal. Il a invité les journalistes à « capitaliser les connaissances acquises » afin de contribuer à une meilleure diffusion de l’information économique sur ce secteur en pleine structuration dans le pays.
Abdoulaye Lam, président-directeur général du cabinet Global Islamic Finance & Transactions (GIFT), a rappelé que la finance islamique repose sur des principes tels que l’absence d’intérêt (riba), le partage du risque, l’adossement à des actifs tangibles et l’exclusion des activités illicites ou spéculatives.
L’atelier, soutenu par la Maison de la Presse et le cabinet GIFT, a également bénéficié de la collaboration du Cojes, dont le rôle est jugé essentiel dans la vulgarisation des produits financiers alternatifs et dans le renforcement de la culture économique au sein du grand public.
Dialigué Faye, coordonnateur du Cojes, estime que cette initiative vient à point nommé. Dans un contexte où le Sénégal cherche à renforcer l’inclusion financière et à diversifier ses instruments économiques, la compréhension de la finance islamique n’est plus un luxe, mais une nécessité. Pour lui, la finance islamique n’est plus un sujet de niche : « Au Sénégal, où plus de 95 % de la population est de confession musulmane, nous croyons savoir que cette finance éthique, fondée sur le partage des profits et des pertes, et l’interdiction du riba (intérêt), représente un levier stratégique pour l’inclusion financière. »
M. Faye ajoute que, dans un pays où seulement 22 % de la population adulte est bancarisée, les solutions inclusives adaptées aux réalités locales offrent une large marge d’expansion. Ces solutions s’adressent directement aux ménages à revenus modestes, aux jeunes entrepreneurs et aux femmes actrices de l’économie informelle, souvent exclues par les exigences de la finance conventionnelle.
Un secteur prometteur mais confronté à de grands défis
Dans une perspective optimiste, les observateurs estiment que la finance islamique au Sénégal est en phase de montée en puissance, avec des jalons institutionnels posés, des émissions emblématiques déjà réalisées et un potentiel réel.
Cependant, pour atteindre une phase de maturité, plusieurs leviers doivent être actionnés : renforcement du cadre réglementaire et de la gouvernance des risques, diversification des produits, sensibilisation accrue, développement des marchés secondaires et mise à l’échelle.
Les spécialistes rappellent que, malgré son potentiel élevé, la finance islamique représente encore une part modeste du marché financier sénégalais. Des statistiques datant de 2025 indiquent que les actifs bancaires islamiques ne représentaient qu’environ 8,3 % du total des actifs bancaires.
Le secteur des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) constitue une cible privilégiée. Au Sénégal, les PME/PMI représentent près de 99,8 % du tissu économique, mais ne bénéficient que d’environ 9 % des crédits bancaires.
Comme dans de nombreux pays africains, l’émission de sukuk et le développement des financements islamiques sont perçus comme un moyen de diversifier les sources de financement, notamment en attirant des capitaux en provenance du Golfe ou d’Asie.
Pour se développer, le secteur de la finance islamique doit toutefois surmonter plusieurs obstacles : un cadre réglementaire encore perfectible, une attractivité fiscale à renforcer, une standardisation insuffisante des produits et des défis de gouvernance à consolider. S’ajoute à cela la concurrence avec la finance conventionnelle. Face à un secteur bancaire traditionnel toujours dominant, la finance islamique doit convaincre par sa compétitivité, sa transparence et sa capacité d’adaptation.
La sensibilisation constitue un levier clé. D’où la pertinence de l’éducation financière, chère à l’OQSF, qui considère que pour une adoption massive, les acteurs, entreprises comme particuliers, doivent être informés des spécificités et avantages de ces produits.
Enfin, le secteur fait face à un double défi : la faible liquidité et la quasi-absence de marchés secondaires. Comme dans de nombreux pays africains, les marchés d’instruments islamiques demeurent peu profonds et les mécanismes de refinancement limités. Les experts évoquent également le risque de conformité à la charia, soulignant la nécessité de garantir l’authenticité des produits pour éviter les accusations de « greenwashing islamique ».