Filière cotonnière ivoirienne : Le retour en force de la famille Kagnassi dans l’or blanc
Par Bamba MAFOUMGBÉ

Après une absence remarquée, la famille Kagnassi signe son retour dans la filière cotonnière ivoirienne, un secteur qu’elle avait marqué de son empreinte par le passé. Sous la bannière d’Optimus Holding, les Kagnassi reprennent les actifs d’Ivoire Coton, renforçant leur présence dans le domaine.
La famille Kagnassi dans la filière cotonnière ivoirienne ? Ce n’est pas nouveau. Elle y était bien présente par le passé à travers « La Compagnie cotonnière ivoirienne » (LCCI, aujourd’hui liquidée). Suite au désengagement de l’État ivoirien dans les secteurs productifs, comme préconisé par les institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale) dans les années 1990 avec la vague de privatisations, l’État a cédé une grande partie de ses actifs dans le secteur cotonnier. Une petite portion est toutefois restée sous le contrôle de la Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT), détenue à ce jour majoritairement par le groupe EKDS et l’État de Côte d’Ivoire.
Dans ce processus de cession, la Compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI), filiale du Groupe l’Aiglon du Malien Checkna Kagnassi (père de Sidi Kagnassi), avait hérité du lot Nord-Ouest, comprenant entre autres Korhogo, Mbengué et Boundiali. Ce lot avait été racheté à la Compagnie ivoirienne du coton (COIC), dont le PDG était l’homme d’affaires ivoirien Koné Daouda Soupkafolo, par ailleurs repreneur de la Versus Bank, initialement contrôlée par le Groupe l’Aiglon.
La grave crise socio-politique qui a secoué la Côte d’Ivoire en 2007 a contraint le groupe L’Aiglon, ancien fleuron de la famille Kagnassi, à fermer ses portes. Cette fermeture avait en son temps ébranlé ce secteur où l’entreprise occupait une position de premier plan. En dépit de ce retrait de la filière cotonnière ivoirienne, la famille continuait de réaliser de bonnes affaires avec l’État de Côte d’Ivoire. Une de leurs filiales avait obtenu le marché de la production des cartes nationales d’identité biométriques ivoiriennes, utilisées pour les élections de 2010 (en collaboration avec Sagem Technologies). Par ailleurs, dans le domaine du transport aérien, elle avait une forte présence dans le capital d’Air Côte d’Ivoire. Selon une note obtenue auprès de la Direction générale de la compagnie, l’État ivoirien détient actuellement 58 % du capital, Optimus Holding 23 %, la compagnie française Air France 11 %, et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) 8 %.
Depuis quelques années, Sidi Mohamed Kagnassi a diversifié ses activités en investissant dans des secteurs variés tels que l’énergie, la construction, le transport, la santé, le numérique, la finance et l’éducation. C’est sous la bannière d’Optimus Holding que la famille Kagnassi revient non seulement dans la filière cotonnière ivoirienne, mais également au Burkina Faso.
Les Kagnassi rebondissent dans le coton en Côte d’Ivoire et au Burkina
Sortie de la filière cotonnière ivoirienne après la liquidation des biens et actifs familiaux du Groupe l’Aiglon, les Kagnassi rebondissent aujourd’hui dans l’or blanc, à la fois en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Comme le rapporte le magazine Jeune Afrique, une information confirmée par la Direction exécutive de l’Interprofession coton (Intercoton) de Côte d’Ivoire : « Le groupe Optimus Holding, dirigé principalement par Sidi Mohamed Kagnassi, un homme d’affaires ivoiro-malien, a réussi à finaliser cette acquisition. »
Depuis décembre 2024, c’est officiel : le groupe Optimus Holding a repris les actifs d’Ivoire Coton (filiale d’IPS West Africa du groupe Agha Khan), opérant dans le bassin cotonnier du Nord-Ouest ivoirien. Ivoire Coton, une entreprise historique de la filière, est spécialisée dans la transformation du coton-graine et la commercialisation de ses produits.
En 2008, Ivoire Coton avait acquis, après la liquidation de l’ex-LCCI, le lot M’Bengué. La société d’exploitation « M’BENGUE COTON » avait été créée en juin 2008 pour gérer ce lot. M’BENGUE COTON, une société anonyme avec conseil d’administration et direction générale, était une filiale d’Ivoire Coton.
Fusion de M’BENGUE COTON avec Ivoire Coton
Aujourd’hui, Ivoire Coton regroupe plusieurs unités industrielles : Boundiali 1, Boundiali 2, Dianra et Mbengué, ainsi que les actifs mobiliers et immobiliers des directions régionales de Boundiali, Dianra, Odienné et Mbengué. Désormais, les Kagnassi reviennent dans leur ancien fief cotonnier ivoirien sous la bannière d’Optimus Holding, qui reprend également Chimtec, un acteur majeur du négoce de produits chimiques en Afrique.
En parallèle, Optimus Holding a acquis les actifs d’Ivoire Coton au Burkina Faso. Au pays des Hommes intègres, Ivoire Coton détenait 54 % du capital de Faso Coton, où elle était actionnaire majoritaire. « L’accord a été signé le 23 décembre 2024 entre les deux protagonistes. Montant de l’opération, supervisée par Abou-Bakar Ouattara et son cabinet Goodwill Audit & Consulting : un peu plus de 200 millions d’euros », précise une note publiée sur la page Facebook du cabinet.
En Côte d’Ivoire, ce retour des Kagnassi coïncide avec une reconfiguration de la filière cotonnière, marquée par la mise en œuvre du zonage, sous la supervision du Conseil du coton et de l’anacarde, régulateur de la filière. Elle intervient également avec une filière enregistrant un rythme de progression soutenue.
Une filière en plein essor pour le retour des Kagnassi
Lorsque la famille Kagnassi s’était retirée de la filière cotonnière ivoirienne en 2007, le contexte était marqué par une filière en difficulté. À l’époque, la production de coton graine avoisinait les 150 000 tonnes, une performance bien inférieure aux statistiques actuelles. Aujourd’hui, les Kagnassi retrouvent une filière transformée et en plein essor.
Selon les données récentes du Conseil du Coton et de l’Anacarde (CCA), la production a connu une nette progression, atteignant 347 922 tonnes au terme de la campagne 2023/2024, soit une hausse impressionnante par rapport aux années 2000. En comparaison, la campagne 2021/2022 avait déjà marqué un record historique avec 539 623 tonnes, consolidant la position de la Côte d’Ivoire comme quatrième producteur de coton en Afrique de l’Ouest, derrière le Mali, le Bénin et le Burkina Faso.