Énergie : Le Sénégal nouvelle puissance gazière et pétrolière
► Par Boubacar GASSAMA

Le Sénégal, jusque-là connu pour son arachide, est entré concrètement dans le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et de gaz naturel. À travers le projet SAR 2.0, qui vise la souveraineté énergétique, le pays va lancer un ambitieux programme de 650 milliards de FCFA pour le transport de gaz naturel sur 400 kilomètres. L’installation d’une deuxième raffinerie de pétrole est également un projet avancé, ce qui constitue un levier stratégique pour l’industrialisation du pays dans le cadre de la vision «SÉNÉGAL 2050». nouveau référentiel des politiques publiques.
Le Sénégal poursuit résolument son objectif de renforcement de sa souveraineté énergétique à travers un projet ambitieux de transport de gaz naturel par canalisation sur 400 kilomètres. Pour un coût total de 650 milliards de FCFA, la mise en œuvre de la première phase du projet, estimée à 200 milliards de FCFA, est prévue pour débuter dès 2025. Pape Mornar Lô, directeur du réseau gazier du Sénégal, précise que le premier segment du projet est actuellement en phase de passation de marché. Selon lui, ce projet s’inscrit dans une vision globale de développement, visant à améliorer l’accès à une énergie fiable et abordable pour les populations sénégalaises. Dans un contexte mondial de rafération des énergies fossiles, les autorités sénégalaises sont engagées dans une dynamique visant à remplacer le fuel lourd et le charbon par du gaz naturel dans les centrales électriques. De l’énergie propre qui vise, à long terme, à réduire les coûts énergétiques et de diminuer les émissions de CO₂, avec une prévision de baisse de 30 millions de tonnes à l’horizon 2050. Pour M. Lô, ce projet de gazoduc, qui marque une étape déterminante dans la transition énergétique du Sénégal, incarne un engagement à bâtir un avenir meilleur pour les citoyens et à positionner le pays parmi les nations les plus innovantes et audacieuses.
Concurrence la société ivoirienne de raffinage
Dans son ambition d’atteindre la souveraineté énergétique, le Sénégal n’a pas occulté la problématique des capacités de stockage. À ce titre, la Société africaine de raffinage (SAR) projette la construction d’un second site de raffinage afin de traiter l’ensemble de la production du gisement de Sangomar dès 2028. Ce projet d’envergure, inscrit dans le cadre du programme SAR 2.0, comprend également l’implantation d’une nouvelle usine de pétrochimie, destinée à renforcer la transformation locale des hydrocarbures et à garantir l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés. Ce qui est une manière intelligente de produire de la valeur ajoutée à travers la disponibilité des produits dérivés. Mamadou Abib Diop, directeur général de la SAR considère que ce projet est crucial pour le Sénégal car il permettra d’atteindre une souveraineté énergétique. Avec la deuxième raffinerie, la SAR, dont l’activité ne couvre que 50 % des besoins du marché local, peut espérer combler ce déficit. Elle pourra également concurrencer la Société Ivoirienne de raffinage (SIR), leader dans ce domaine au sein de l’UEMOA. Dans cette perspective, la SAR a sollicité l’Agence pour la promotion de l’investissement et des grands travaux (APIX SA), reconnue pour son expertise dans la libération des emprises et la structuration de projets. Elle est également attendue sur les enjeux d’infrastructure, de financement et de réglementation du projet, ainsi que sur la mobilisation des investisseurs et la facilitation des procédures administratives. Par ailleurs, M. Diop indique qu’avec la deuxième raffinerie, les employés de la SAR pourront se reconvertir dans l’activité pétrochimique. « Actuellement, on est autour de 1 000 milliards de FCFA de chiffre d’affaires. Demain, avec le projet SAR 2.0, on va aller vers 3 000 milliards de FCFA. C’est un avenir radieux avec des ressources humaines dignes de ce nom et la sécurité qui sied », a-t-il souligné. Pour le directeur général de l’APIX, M. Bakary Séga Bathily, il n’y a pas de projet plus structurant ni de défi plus grand que cette nouvelle raffinerie. « Si on arrive à développer SAR 2.0 au-delà des hydrocarbures, il y a toute une panoplie de dérivés qui est prévue. Ce qui va nous permettre de passer de 1,5 million de tonnes de carburant à 5,5 millions de tonnes, assurant ainsi l’approvisionnement du marché local qui connaît une croissance de 5 % par an », a-t-il expliqué. La Société africaine de raffinage (SAR) a été inaugurée au lendemain des indépendances, précisément en 1961, sous l’inspiration de Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal. Après plus d’un demi-siècle d’existence et une recapitalisation en 2022, l’entreprise ambitionne de tripler les revenus et la production de l’unique raffinerie du pays.
Un premier chargement historique
Dans l’attente de ces projets d’envergure, le Sénégal vient de vivre un moment historique. La Société des pétroles du Sénégal (Petrosen), bras armé de l’État pour la mise en œuvre de la politique pétrolière, a livré, le samedi 8 février 2025 à 18h18, au «ALMI ODYSSEY», le tout premier chargement de pétrole brut issu du champ pétrolifère de Sangomar et destiné à la SAR. Cette première livraison de pétrole brut constitue, selon plusieurs spécialistes, une avancée majeure dans la stratégie de souveraineté énergétique du Sénégal, avec un impact significatif sur l’économie nationale et le quotidien des populations.
Le renforcement de l’alliance sénégalo-mauritanienne
C’est comme si les ressources du sous-sol sénégalais s’étaient donné le mot ! Le lundi 10 février 2025, la société pétrolière américaine Kosmos Energy a annoncé le premier gaz naturel liquéfié (GNL) du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), que partagent la Mauritanie et le Sénégal. Selon Babacar Kébé, formateur à l’Institut national du pétrole et du gaz (INPG) du Sénégal, « le gaz coule désormais du champ vers le FPSO pour être traité, puis s’achemine vers le navire flottant de liquéfaction de GNL Golar LNG, où il est transformé en gaz naturel liquéfié ». Le premier chargement de GNL, une prochaine étape clé du projet, est attendu plus tard ce trimestre. À en croire M. Kébé, le démarrage de GTA positionnera la Mauritanie et le Sénégal comme un hub stratégique du GNL en Afrique de l’Ouest, avec des distances de navigation courtes vers l’Europe, à un moment où celle-ci a un besoin crucial en gaz. Lors d’une mission conjointe, M. Mohamed Ould Khaled, ministre mauritanien de l’Énergie et du Pétrole, et Bizarre Souleye Diop, son homologue sénégalais, déclaraient qu’en termes de capacité de production, le gisement de GTA devrait atteindre une production annuelle de 2,5 millions de tonnes de gaz, avec une prévision d’augmentation à 10 millions de tonnes dans les années à venir.