Côte d’Ivoire : Le potentiel minier se découvre
Par Bamba MAFOUMGBÉ

Lors du lancement de la première édition du Salon international des ressources extractives et énergétiques (SIREXE), le 1ᵉʳ juillet 2024 à Abidjan, le Premier ministre Robert Beugré Mambé déclarait : « La Côte d’Ivoire n’a pas encore fini avec les grandes découvertes… » Une affirmation que les récentes annonces viennent corroborer.
Grâce à une politique incitative et un cadre réglementaire attractif, la Côte d’Ivoire s’est positionnée comme un acteur clé du secteur pétrolier en Afrique de l’Ouest. Deux découvertes majeures ont été réalisées en moins de deux ans, renforçant les réserves pétrolifères du pays.
En septembre 2021, la multinationale italienne Eni, en partenariat avec Petroci, a identifié le gisement Baleine sur le bloc CI-205, au large de la Côte d’Ivoire. Cette découverte est estimée entre 1,5 et 2 milliards de barils de pétrole brut, avec un volume de gaz naturel associé évalué entre 1 800 et 2 400 milliards de pieds cubes. Ce gisement vient non seulement accroître les réserves prouvées du pays, mais aussi garantir une hausse de la production pétrolière et gazière dans les années à venir.
Une seconde découverte, nommée Calao, a été annoncée le 7 mars 2024. Située à 45 kilomètres des côtes, sur le même bloc CI-205, elle résulte d’un forage à 5 000 mètres de profondeur. Les premiers résultats révèlent la présence de pétrole léger, de gaz et de condensats dans des formations caractérisées par d’excellentes valeurs de perméabilité. Les estimations actuelles placent les ressources potentielles entre 1 et 1,5 milliard de barils équivalents pétrole.
Face à ces succès, Eni a renforcé sa présence en Côte d’Ivoire en signant, le 27 novembre 2024, un accord avec le ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie pour l’acquisition de quatre nouveaux blocs d’exploration offshore : CI-504, CI-526, CI-706 et CI-708. Ces blocs, couvrant une superficie totale de 5 720 km² et situés entre 1 000 et 3 500 mètres de profondeur, offrent un potentiel de synergies avec le champ Calao.
Eni, actif en Côte d’Ivoire depuis 2015, produit actuellement environ 22 000 barils équivalent pétrole par jour. Après la mise en service de la phase 1 du champ Baleine, la société prévoit d’augmenter sa production à 60 000 barils de pétrole par jour et 70 millions de pieds cubes de gaz dès décembre 2024. Une phase 3 en cours d’étude pourrait porter ces volumes à 150 000 barils de pétrole et 200 millions de pieds cubes de gaz par jour.
Une industrie aurifère en pleine expansion
Le secteur de l’or n’est pas en reste, avec des découvertes qui renforcent la position de la Côte d’Ivoire en tant que producteur majeur en Afrique. Le 19 octobre 2024, le pays a inauguré sa 13ᵉ mine d’or à Lafigué, dans le département de Dabakala. Cette mine, fruit d’un partenariat entre investisseurs nationaux et internationaux, dispose d’une réserve estimée à 66 tonnes d’or, avec une production annuelle prévue de 5,6 tonnes dès 2025. L’exploitation devrait générer près de 400 milliards de FCFA de recettes pour l’État et apporter 8 milliards de FCFA d’investissements au bénéfice des populations locales.
D’autres projets aurifères de grande envergure se développent. À Koné, dans la région du Worodougou, un gisement de classe mondiale est en phase de construction. Avec des ressources minérales évaluées à 152 tonnes d’or, la mine de Koné aura une durée de vie de 20 ans et une capacité annuelle de traitement de 11 millions de tonnes de minerai, pour une production estimée à 7 tonnes par an. À Tanda, dans la région du Gontougo, une autre mine d’or, nécessitant un investissement de 530 milliards de FCFA, prévoit une production annuelle de 11 tonnes d’or, avec une première coulée annoncée pour 2028.
Le potentiel inexploité des minerais stratégiques
Outre le pétrole et l’or, la Côte d’Ivoire possède d’importantes réserves de fer, de nickel et de terres rares, qui pourraient accélérer son développement industriel. Dans l’ouest du pays, des gisements de fer ont été identifiés sur les monts Klahoyo et Tia, avec des réserves estimées à 2 milliards de tonnes, tandis que le mont Gao recèle 1,2 milliard de tonnes de minerai.
Pour accompagner ces projets, un terminal minéralier est en cours de planification au port de San Pedro, avec deux options envisagées : un port en eau profonde et un wharf minéralier. L’approvisionnement en énergie de ces exploitations nécessitera près de 800 MW, et un partenariat public-privé sous forme de convention BOT est en discussion pour le développement des infrastructures ferroviaires.
Par ailleurs, la Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire (SODEMI) a annoncé, le 28 mai 2024, la découverte d’un gisement de colombite-tantalite dans le département d’Issia. Ce minerai, essentiel à la fabrication d’équipements électroniques, représente un atout stratégique pour le pays. La SODEMI prévoit également d’intensifier ses recherches sur le nickel-cobalt à Kaniasso, le molybdène à Boundiali et le lithium à Sakassou et Guiglo.
Un avenir prometteur pour l’industrie extractive
Face à ces découvertes, les autorités ivoiriennes ont structuré le cadre fiscal et réglementaire afin d’assurer une répartition équitable des retombées économiques entre l’État, les investisseurs et les populations locales. Ibrahim Coulibaly, ingénieur des mines et ancien directeur général de la Direction des Mines et de la Géologie, estime que ces découvertes ne représentent qu’une infime partie du potentiel minier du pays. Selon lui, la Côte d’Ivoire devrait progressivement révéler d’autres gisements et renforcer son attractivité auprès des investisseurs internationaux.