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CEMAC : Le Cameroun, un poids lourd économique à la contribution déséquilibrée

Ville de Yaoundé, capitale du Cameroun

La Finance Week, ouverte ce mercredi 18 juin 2025 à Yaoundé, a mis en lumière une contradiction majeure dans la gestion des devises au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Bien que le Cameroun soit le principal contributeur aux réserves de change de la zone, il enregistre un déficit structurel préoccupant dans ses opérations auprès de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC).

Par Dorcas Davier AHOUANGAN

Gilbert Didier Edoa, secrétaire général du ministère camerounais des Finances, a rappelé que le Cameroun fournit entre 40 % et 58 % des réserves de change de la CEMAC, soit près de la moitié des avoirs extérieurs communs aux six États membres (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique, Guinée équatoriale). Cette contribution reflète son poids économique régional, son tissu industriel représentant environ 40 % de la capacité productive de la sous-région.

Les réserves de la CEMAC, alimentées par les recettes d’exportation et les entrées de devises, servent à régler collectivement les paiements extérieurs des États membres. Conformément aux accords monétaires avec la France, 50 % de ces réserves sont déposées à la BEAC, l’autre moitié étant logée au Trésor français. Ce mécanisme vise à garantir une solidarité régionale pour le financement des importations. Certains pays, moins dotés en devises, peuvent ainsi mobiliser plus de ressources que leur propre contribution, grâce aux excédents dégagés par des économies comme celle du Cameroun.

Mais cette position de donneur net contraste fortement avec les chiffres présentés par Pierre Emmanuel Nkoa Ayissi, directeur national de la BEAC pour le Cameroun. Selon lui, depuis 2020, le pays affiche un déficit structurel dans ses opérations en devises auprès de la Banque centrale. En clair, les entreprises camerounaises retirent plus de devises qu’elles n’en déposent.

En 2023, ce déficit s’est élevé à -800 milliards FCFA, illustrant une tendance inquiétante. Sur la période 2020–2024, les sorties nettes cumulées ont dépassé 1 600 milliards FCFA, signalant une fuite importante de capitaux. Cette situation tranche nettement avec celle des autres pays de la CEMAC, qui enregistrent des soldes positifs sur la même période comme +181 milliards FCFA pour la Guinée équatoriale, l52 milliards FCFA pour le Congo, +139 milliards FCFA pour le Gabon, 121 milliards FCFA pour la Centrafrique et 87 milliards FCFA pour le Tchad.

Cette divergence soulève des questions sur l’efficacité des mécanismes de contrôle des changes au Cameroun, ainsi que sur la gestion des recettes d’exportation, alors que le pays demeure le principal pourvoyeur de devises de la sous-région. Le déséquilibre camerounais remet en question la durabilité de la solidarité monétaire régionale. Malgré son rôle clé dans l’alimentation des réserves, le Cameroun en est aussi le principal point de fuite, ce qui pourrait, à terme, affaiblir la capacité de la BEAC à maintenir un niveau de couverture conforme aux critères de stabilité monétaire.

La soutenabilité des réserves de change est un élément clé pour garantir la parité fixe FCFA/euro, dont la crédibilité dépend de la robustesse de ces avoirs. Lors de sa session du 24 mars 2025 à Malabo, la BEAC a pourtant anticipé une hausse de 4 % des réserves régionales, qui atteindraient 7 584,9 milliards FCFA, soit 4,8 mois d’importations.

Cette amélioration s’expliquerait notamment par les premiers effets des politiques d’import-substitution mises en place dans la zone, ainsi que par le régime transitoire de rapatriement des fonds lié à la restauration des sites miniers – bien qu’un accord définitif se fasse toujours attendre.

Un ultime round de discussions est attendu entre la BEAC, les États membres et les opérateurs miniers, après l’échec des négociations du 30 avril 2025.

Le Cameroun, malgré sa position stratégique dans la CEMAC, doit revoir en profondeur sa politique de gestion des devises pour ne pas compromettre la stabilité monétaire régionale. Le rapatriement effectif des recettes d’exportation et la maîtrise des sorties de capitaux constituent désormais des défis urgents pour les autorités économiques.