Le miroir du développement de l'Afrique !

CEDEAO : Un cinquantenaire en demi-teinte au Ghana, l’AES brille par son absence

Par Kevin da SILVA

Pays de la CEDEAO

Accra vibrait aux couleurs de la Cédéao ce 22 avril 2025 pour le lancement des célébrations du cinquantenaire de l’organisation. Mais derrière les discours sur la « solidarité ouest-africaine » du président ghanéen John Dramani Mahama, une absence a pesé : celle des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, pourtant invités, ont boudé l’événement, preuves des fractures persistantes dans une région en quête d’unité.

La cérémonie d’ouverture, ponctuée d’hymnes et de danses traditionnelles, a réuni douze des quinze États membres de la Cédéao. Mais les sièges réservés aux dirigeants de l’AES sont restés vides. Une absence « justifiée » par des « agendas chargés et des délais trop courts », selon une source proche de la présidence ghanéenne. Pourtant, ce boycott rappelle les tensions nées des récentes crises sécuritaires et des divergences sur la gouvernance régionale.

Si Joseph Boakai, président du Liberia, était le seul chef d’État présent, le Nigeria – poids lourd de la Cédéao – s’est fait représenter. Bola Tinubu, président en exercice de l’organisation, a appelé dans un message vidéo à « réimaginer une Cédéao des peuples, pas seulement des politiques ». Un discours ambitieux, mais qui peine à masquer les dissensions internes.

« Recalibrer la Cédéao et se réconcilier avec l’AES »

Le président de la Commission de la Cédéao, Oumar Touray, a pris le contre-pied de l’euphorie en appelant à un « recalibrage urgent » de l’organisation. « Nous devons repenser notre modèle d’intégration et renouer le dialogue avec l’AES », a-t-il insisté, reconnaissant implicitement l’échec des stratégies actuelles face aux défis sécuritaires et économiques.

L’AES, alliance née en réaction aux coups d’État et à l’influence perçue de la Cédéao, incarne désormais un contre-modèle. Ses membres, tournés vers des partenariats militaires avec la Russie et une souveraineté revendiquée, semblent s’éloigner durablement des institutions régionales. Un expert interrogé par RFI résume : « La Cédéao doit choisir entre la sanction et la diplomatie. Sans les pays du Sahel, son leadership est affaibli. »

Cinquante ans après : Quel avenir pour l’intégration régionale ?

Créée en 1975 pour promouvoir la coopération économique, la Cédéao est aujourd’hui confrontée à des défis existentiels : terrorisme, crises constitutionnelles, rivalités géopolitiques. Les célébrations, prévues toute l’année dans les États membres, seront-elles l’occasion d’une relance ou le prélude à un éclatement ? Les priorités selon Mahama : « Relancer la libre circulation et lutter contre l’insécurité ». John Dramani Mahama a promis de « tout mettre en œuvre pour préserver l’unité ouest-africaine ». Parmi ses propositions : accélérer la mise en place de la monnaie unique (l’Eco) et renforcer les mécanismes de libre circulation, minés par les fermetures de frontières.

Le cinquantenaire de la Cédéao devait être un moment de fierté. Il révèle surtout une organisation en crise, tiraillée entre ses idéaux et les réalités d’un Sahel en rupture. Comme le souligne un diplomate à Accra : « Sans dialogue avec l’AES, la Cédéao risque de devenir un club de pays côtiers, déconnecté des enjeux continentaux. »

Les dirigeants ouest-africains parviendront-ils à réconcilier ambitions régionales et souverainetés nationales ? La réponse déterminera si la Cédéao survivra… ou cédera la place à un nouvel ordre géopolitique.