Banque mondiale : L’Afrique doit transformer sa croissance en emplois durables

À travers son nouveau rapport Africa’s Pulse, la Banque mondiale salue la résilience de l’Afrique subsaharienne, dont la croissance devrait s’accélérer de 3,5 % en 2024 à 3,8 % cette année. Un rythme modeste, mais révélateur d’un redressement progressif porté par la baisse de l’inflation et le retour, timide mais réel, des investissements.
Par Jesdias LIKPETE
Vingt-trois pays affichaient encore une inflation à deux chiffres en octobre 2022 ; ils ne sont plus que dix en juillet 2025. Ce recul témoigne d’un processus de stabilisation, même si la conjoncture reste vulnérable. Le nouveau rapport Africa’s Pulse de la Banque mondiale met en garde contre plusieurs menaces : incertitudes autour des politiques commerciales mondiales, désintérêt croissant des investisseurs, raréfaction des financements extérieurs et déclin de l’aide publique au développement.
Malgré les progrès enregistrés, la région demeure sous pression financière. Le service de la dette extérieure a plus que doublé en dix ans, atteignant 2 % du PIB en 2024. En parallèle, le nombre de pays déjà surendettés ou proches de l’être a triplé depuis 2014, passant de huit à 23, soit près de la moitié des États d’Afrique subsaharienne.
Cette fragilité financière pèse sur la capacité des économies à générer des emplois de qualité. La croissance actuelle ne suffit pas à réduire significativement la pauvreté ni à absorber une population active en forte expansion. « Au cours des 25 prochaines années, la population en âge de travailler en Afrique subsaharienne comptera plus de 600 millions de personnes supplémentaires. Le défi consistera à accompagner cette croissance démographique par la création d’emplois de meilleure qualité, sachant que seulement 24 % des nouveaux travailleurs obtiennent aujourd’hui un emploi salarié. Et pour créer des emplois salariés à grande échelle, il est essentiel d’opérer un changement structurel en faveur du développement des moyennes et grandes entreprises », explique Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour la Région Afrique.
Des réformes pour libérer le potentiel du continent
La 32e édition d’Africa’s Pulse, intitulée Comment créer des emplois en Afrique, trace les grandes lignes d’une stratégie axée sur la croissance inclusive et la création d’emplois. Le rapport appelle à réduire le coût de l’activité économique afin de favoriser l’essor des entreprises existantes et de permettre l’émergence de nouveaux acteurs.
Les gouvernements doivent, selon la Banque mondiale, investir dans des infrastructures modernes (énergie, numérique, transport) et dans le développement du capital humain. Un meilleur accès à l’éducation, à la formation et aux compétences est jugé essentiel pour accompagner la transformation économique.
Le renforcement de la gouvernance et des institutions constitue une autre priorité, afin d’assurer la stabilité, réduire la corruption et instaurer un environnement des affaires prévisible et attractif. Le secteur privé devra être au cœur de cette dynamique, notamment dans des filières clés comme l’agroalimentaire, le tourisme, la santé, les mines, le logement et la construction.
Le rapport souligne qu’« chaque emploi créé dans le tourisme en génère 1,5 supplémentaire dans des secteurs connexes ». La Banque mondiale estime qu’avec des réformes ciblées et des investissements soutenus, l’Afrique subsaharienne peut transformer son potentiel démographique en véritable moteur de prospérité durable.