Afrique centrale : Le sommet de Yaoundé tente de relancer une fusion régionale enlisée

Les chefs d’État des communautés économiques d’Afrique centrale (CEMAC et CEEAC) se réuniront le 18 juillet à Yaoundé pour tenter de relancer le projet de fusion institutionnelle, un chantier à l’arrêt depuis quinze ans malgré de nombreuses déclarations d’intention. Cette initiative intervient dans un contexte politique tendu, marqué par le retrait récent du Rwanda de la CEEAC et la persistance de désaccords structurels.
Par Kevin da SILVA
L’idée de fusionner la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) avec la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) piétine depuis son lancement, malgré six réunions ministérielles du Comité de pilotage. Le sommet de juin 2024 avait pourtant adopté des principes directeurs, notamment la progressivité et la solidarité communautaire, mais les avancées concrètes se limitent à des projets de textes symboliques, comme ceux relatifs à une Haute Autorité Monétaire ou à une Haute Autorité des Marchés Financiers, sans aucune mise en œuvre effective. Même dans des domaines moins sensibles comme l’éducation, où quatre établissements ont été désignés pour porter l’intégration, leurs missions précises restent floues. Quant au projet de Haute Cour de Justice régionale, il demeure gelé en raison de désaccords persistants sur les modalités de nomination des juges et leurs compétences.
La dynamique d’intégration a subi un coup d’arrêt majeur avec le retrait officiel du Rwanda de la CEEAC, annoncé lors du sommet de Malabo. Si Kigali invoque une violation des règles de présidence tournante, ce départ traduit en réalité l’aggravation des tensions avec la République Démocratique du Congo, autre acteur central de la région. Cette défection fragilise un peu plus la crédibilité du projet d’unification et met en lumière l’incapacité des structures existantes à désamorcer les rivalités bilatérales. Elle agit comme un révélateur des fractures politiques profondes qui continuent d’entraver l’avancée du processus.
Face à cette paralysie, les partenaires techniques expriment une irritation croissante. Lors de la dernière réunion ministérielle, Adama Ekberg Coulibaly, représentant de la Commission Économique pour l’Afrique, a publiquement appelé à « sortir de la phase des études ». Ce sentiment d’exaspération gagne également les responsables régionaux, qui dénoncent la prolifération d’initiatives parallèles entre des organisations censées fusionner. L’absence de débat sur l’avenir de la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), pourtant concernée par le processus, illustre une tendance à l’évitement des dossiers complexes.
Le sommet de juillet s’annonce comme un test de crédibilité majeur pour les dirigeants de la région. Bien qu’ils soient censés y valider les textes préparatoires du Comité de pilotage, ces engagements risquent de rester symboliques sans feuille de route opérationnelle et sans engagements financiers contraignants. La question de fond demeure : les États membres sont-ils prêts à dépasser leurs logiques de souveraineté nationale pour construire une architecture régionale unifiée ? La réponse à cette interrogation déterminera l’avenir de l’intégration en Afrique centrale, dans un contexte où les partenaires internationaux se montrent de moins en moins patients.