Banques centrales africaines : L’IA s’invite au cœur des stratégies financières
Par Bacary DABO

À Dakar s’est ouverte, ce mercredi 21 mai, une conférence internationale sur le thème : « Intelligence artificielle : opportunités et défis pour les Banques Centrales ». Cette thématique, peu habituelle dans les rencontres des Banques Centrales, a fortement mobilisé le monde de la haute finance.
À la tribune de cette rencontre, le gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kassi Brou, indique que l’avènement de l’intelligence artificielle (IA) constitue une révolution qui change déjà en profondeur de nombreux domaines d’activité et affecte des pans entiers de la société. Selon lui, ce pouvoir transformateur croissant de l’IA mérite une attention particulière des autorités en charge des politiques économiques.
Rappelant les résolutions du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, tenu à Paris en février 2025, qui a abouti à la signature, par une soixantaine de pays, d’une déclaration commune en faveur d’une IA « ouverte », « inclusive » et « éthique », le gouverneur de la BCEAO s’est réjoui du fait qu’à l’instar des autres continents, l’Afrique soit également engagée à saisir les opportunités offertes par l’IA pour accélérer sa transformation économique et sociale.
Ainsi, en vue de concrétiser cette ambition, poursuit M. Brou, l’Union africaine a adopté plusieurs actions, notamment la Stratégie continentale sur l’IA en 2024, qui vise à mettre cette technologie au service du développement durable et de la prospérité du continent. Dans cette perspective, il a énuméré d’autres initiatives lancées, dont le programme « Artificial Intelligence for Africa », ou encore la mise en place du « Conseil Africain de l’Intelligence Artificielle », lors du Sommet mondial sur l’intelligence artificielle en Afrique, tenu en avril 2025 à Kigali, au Rwanda. À l’en croire, ce Conseil vise à stimuler l’innovation et l’harmonisation des politiques numériques sur le continent.
Le patron de la BCEAO estime que cette vision continentale est confortée par l’émergence multilatérale. Ainsi, divers pays de l’Union, dont le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, ont déjà adopté leurs stratégies de développement de l’IA.

Au vu de toutes ces initiatives, M. Brou pense que le secteur financier se doit de s’inscrire dans ce large mouvement d’introduction de l’IA dans ses activités. Pour lui, c’est la raison d’être de la présente rencontre de Dakar, dont l’objectif est de constituer un creuset d’échanges sur l’utilisation responsable de l’IA et les innovations y relatives dans le secteur bancaire et financier, particulièrement dans le cadre des missions des banques centrales et organes de régulation.
1 500 milliards de dollars à l’horizon 2030 pour l’économie africaine
Le ministre des Finances et du Budget du Sénégal, M. Cheikh Diba, pour sa part, a rappelé les prévisions des Nations Unies qui stipulent que l’intelligence artificielle pourrait permettre de générer un surplus de valeur ajoutée d’environ 1 500 milliards de dollars pour l’économie africaine à l’horizon 2030, en créant des emplois et en stimulant la croissance.
L’argentier du Sénégal considère que ces initiatives régionales et internationales témoignent à la fois de l’attrait qu’exerce l’intelligence artificielle aujourd’hui, mais également des questions qu’elle suscite quant à son adoption sans une appréciation adéquate des risques qui y sont associés. Il s’est réjoui de constater que les Banques Centrales africaines, à l’instar de leurs consœurs des autres régions du monde, aient pris la pleine mesure du rôle important que peut jouer l’intelligence artificielle dans l’accomplissement de leurs missions fondamentales, notamment celles de la politique monétaire, de la stabilité financière et du financement des économies.
D’après lui, l’utilisation de l’intelligence artificielle devrait permettre d’affiner les analyses, notamment sur les risques économiques et financiers, et ainsi permettre un soutien accru dans le financement des économies. À cet effet, il invite les participants à la rencontre de Dakar à examiner, par ailleurs, les défis en matière d’éthique, de réglementation et de protection des données à caractère personnel que pose l’utilisation de l’intelligence artificielle. Pour lui, une gouvernance solide devrait permettre de tirer le maximum de bénéfices de cet outil, tout en assurant l’intégrité dans le traitement des informations et leur utilisation.
La rencontre de Dakar a également connu la participation des chefs des organes et institutions de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), notamment la Commission de l’UEMOA, la Banque ouest-africaine de développement et l’Autorité des marchés financiers de l’UMOA. Étaient également présents les hauts responsables et représentants du secteur bancaire et financier de l’UMOA, du monde académique, ainsi que d’anciens hauts responsables de la BCEAO.