Le miroir du développement de l'Afrique !

Sénégal : L’agence Moody’s abaisse la note du pays à Caa1

Agence de notation Moody's

La notation Caa1 équivaut à un jugement très défavorable, assimilant le Sénégal à un débiteur à haut risque, susceptible de graves difficultés de remboursement. Moody’s justifie cet abaissement par l’explosion du ratio dette/PIB (119 % selon ses chiffres) et de la charge d’intérêts, ainsi que par le retard dans la conclusion d’un nouvel accord avec le FMI. Cependant, le gouvernement met en avant “des indicateurs alternatifs et une trajectoire budgétaire maîtrisée” qui seraient ignorés ou sous-évalués dans la grille d’évaluation. Une telle déconnexion soulève une question : la méthodologie de Moody’s valorise-t-elle réellement les efforts structurels engagés par les pays africains ou reproduit-elle des schémas de défiance systématique ?

“La méthode d’évaluation de Moody’s pâtit d’un manque de transparence et d’une part de subjectivité qui, dans le cas sénégalais, semble amplifiée par des hypothèses jugées non fondées et des anticipations alarmistes”, s’insurge un économiste du ministère sénégalais de l’Économie et des Finances. Les agences de notation devraient mieux intégrer la complexité des processus de réforme et éviter de renforcer artificiellement le cercle vicieux du risque financier, surtout dans des économies en pleine mutation, à l’image du Sénégal. Le débat actuel met en lumière la nécessité d’une gouvernance plus équilibrée des notations souveraines et d’un dialogue plus constructif entre États et analystes financiers.

En somme, la contestation porte sur le manque de transparence, la non-divulgation des sources, la prise en compte limitée des réformes, un traitement alarmiste des audits, et une appréciation jugée trop spéculative, déconnectée des dynamiques économiques actuelles du pays.

Le ministère sénégalais des Finances s’insurge contre une évaluation « spéculative et biaisée » qui, selon lui, ne tient pas compte du Plan de Redressement Économique et Social (PRES), ni des réformes fiscales et budgétaires en cours. Dakar critique une démarche reposant sur des données incomplètes, voire dissimulées, et des calculs alarmistes, alors que les fondamentaux du Sénégal – mobilisation de financements régionaux, exécution budgétaire maîtrisée, réformes institutionnelles – témoigneraient de sa capacité de résilience. Les autorités réclament de Moody’s davantage de rigueur et d’objectivité, lui reprochant une ligne de conduite douteuse vis-à-vis du pays depuis plusieurs mois.

La critique sénégalaise s’inscrit dans un débat récurrent sur la crédibilité et la transparence des agences de notation. Depuis la crise asiatique de 1997 et celle de la zone euro, leurs méthodologies sont régulièrement accusées d’excès de précipitation, de manque de transparence et d’effets procycliques, aggravant la perception du risque pays. Les notes traduisent souvent l’opinion d’analystes, influencée par des logiques de marché ou de réputation, sans révéler l’intégralité des sources utilisées. Or, lorsqu’une agence impose une dégradation brutale, cela peut provoquer une fuite des capitaux, une hausse des coûts de financement, et fragiliser davantage les équilibres budgétaires d’un pays.

Par Oussouf DIAGOLA